En Suisse, on vote
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En Suisse, on vote

En Suisse, l’exercice de la démocratie est poussée jusqu’à l’extrême. Au-delà des élections, les Suisses sont encore appelés à répondre à diverses questions sur l’approbation ou non de modifications de lois ou sur des initiatives populaires proposant l’instauration d’une nouvelle loi ou la modification de lois existantes. Ces objets de votation concernent des lois fédérales, cantonales et souvent même communales. Trois ou quatre fois par an, les citoyens sont donc convoqués aux urnes pour donner leur avis. À Genève, entre 2005 et 2008, les citoyens ont dû répondre à 70 questions.

Parmi toutes ces questions on trouve par exemple les deux initiatives baptisées de noms évocateurs «J’y vis, j’y vote : la cadette» et «J’y vis, j’y vote : l’aînée». Le question que chacune soulève est assez simple. La cadette demande que les étrangers demeurant depuis plus de huit ans en Suisse acquièrent le droit de vote sur le plan communal. L’aînée demande que les étrangers puissent jouir non seulement du droit de vote mais aussi du droit d’éligibilité. Dans les deux cas la question en claire et le citoyen voit tout de suite ce dont il s’agit.

Par contre lorsqu’on lui demande s’il accepte la modification de l’article 15, alinéa 3 dont la nouvelle teneur est :

«Pour l’indexation des charges sociales, les dispositions qui traitent de l’impôt sur le revenu des personnes physiques s’appliquent par analogie, y compris celles des articles 19A et 19 B LIPP-V»

ou encore si on lui demande s’il est d’accord avec une autre modification de loi qui dit :

«Le volume des activités pouvant être données en sous-traitance ne doit pas dépasser 10% du montant total des charges totales des TPG. En cas de besoin, pour atteindre les objectifs du contrat de prestation, un volume supérieur de sous-traitance doit faire l’objet d’une décision du Conseil d’administration, soumise à l’approbation du Conseil d’Etat»

Le citoyen est plus ou moins désemparé par ce qu’on lui demande et il se retrouve alors otage des groupes de pression qui le poussent à voter dans leur sens s’il ne veut pas que tout le système ne s’écroule.

On vote pour tout et n’importe quoi sur des sujets qui vont de l’interdiction des chiens dangereux au bruit des avions de combat dans les zones touristiques. Parfois même, on demande au citoyen s’il est d’accord avec une augmentation des impôts. Je vous laisse deviner sa réponse !

Deux souvenirs de votations me sont restés en mémoire. Le premier qui concerne une petite commune de Suisse allemande avait construit une école si belle et si propre qu’elle avait décidé que les enfants porteraient obligatoirement des pantoufles en classe. Un groupe de parents réactionnaires avait réunis le nombre de signatures nécessaires dans le délai référendaire impartit pour que la nouvelle loi soit soumise au verdict des urnes. Je crois me souvenir que les pantoufles avaient été acceptées.

Une belle votation a eu lieu dans le canton de Bâle : en 1967 le gouvernement bâlois vote un crédit de 6 millions de francs pour l’acquisition de deux toiles de Picasso. Des citoyens contestataires qui estimaient que cet argent serait mieux placé dans la construction d’un home pour personnes âgée lancent un référendum et récoltent le nombre de signatures nécessaire pour porter la question en votation publique. La votation a lieu le 17 décembre 1967. Le crédit est accepté et ces deux très belles toiles font maintenant l’admiration des visiteurs du Kunstmuseum de Bâle. Picasso lui-même avait été si impressionné par cette démarche populaire qu’il avait offert en prime deux tableaux qu’il avait fait choisir au maire de la ville .

Mais le cas qui m’a le plus impressionné est celui de la deuxième sucrerie fédérale. Il faut préciser qu’en Suisse, on produit notre propre sucre à partir des betteraves dont la culture est subventionnée. Nous avions donc une usine de transformation des betteraves appelée pompeusement Sucrerie fédérale. Cette appellation de sucrerie fédérale était déjà un vrai régal : on imaginait l’administration fédérale comme une immense sucrerie où les fonctionnaires se sucraient à qui mieux mieux ! La nécessité de construire ou non une seconde sucrerie fédérale n’apparaissait évidemment pas au bon sens du simple citoyen, mais les groupes de pression s’en donnaient à coeur joie pour faire triompher leur vues. Ainsi, le lobby de l’industrie laitière nous expliquait que la construction de cette seconde usine aurait pour effet d’abaisser la qualité des fromages maigres. Bien entendu, les représentants des cultivateurs de betteraves, solidement accrochés à leurs subventions, prônaient le contraire. Mais évidemment, au pays du fromage, l’argument des premiers l’emporta et le peuple refusa la construction de la nouvelle sucrerie.

Peu de temps plus tard, le Gouvernement construisit tout de même la deuxième sucrerie fédérale. Beaucoup de citoyen protestèrent de cette décision contraire à l’avis exprimé par le peuple. On nous expliqua alors que nous n’avions pas voté contre la construction de la deuxième sucrerie fédérale, mais contre son mode de financement ! Le brave citoyen n’y avait vu que du feu !

J’allais m’arrêter là, lorsque j’ai entendu à la radio qu’un groupe de citoyens venait de déposer dans le canton de Vaud une initiative populaire « Pour une meilleure intégration des chiens dans la société ». Elle émane des milieux de protection des animaux et des propriétaires de chiens. L’initiative, rédigée en termes généraux, demande que l’impôt cantonal sur les chiens soit transformé en taxe…

Heureux pays dont les préoccupations vont se concentrer sur l’intégration des chiens dans la Société ! Quant à l’intégration des étrangers, on s’en occupera plus tard !

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