Depuis de nombreux mois déjà, la rumeur rapportait que la Banque du Vatican, ayant cédé aux sirènes américaines, avait investi une grande partie de son capital dans les produits dérivés américains liés aux prêts hypothécaires et dans les fonds Madoff. Les pertes semblaient abyssales. Une agitation fiévreuse s’était donc emparé des hauts responsables de l’Eglise. Une circulaire envoyées à tous les diocèses exhortaient les prêtres à faire tout leur possible pour augmenter le rendement des quêtes, voire à offrir aux fidèles, comme cela s’était déjà produit dans les passé, une place assurée au paradis en échange d’une contribution sonnante et trébuchante.
Une rumeur d’une restructuration destinée à diminuer les frais généraux et à promouvoir une meilleure productivité de l’ensemble du personnel circulait dans le bas clergé, rumeur qui semblait provenir de fuites issues de la Congrégation pour le clergé. Une ambiance tendue et une nervosité croissante commençaient à marquer les relations entre les prêtres, les dignitaires religieux et les bonnes soeurs d’une part, et la nouvelle direction de la Cité du Vatican d’autre part.
Bien que ces rumeurs n’aient pas été confirmées, de nombreux indices montraient que des changements profonds allaient intervenir prochainement. On avait aussi remarqué qu’un petit noyau de dignitaires bien informés se réunissait fréquemment en conciliabules discrets avec le nouveau PDG François. Dans un décret publié récemment, la Secrétairerie avait même restreint pour les prêtres le libre choix de leur confesseur. Cette même autorité avait publié une liste des prêtres seuls autorisés à entendre leurs collègues en confession. Ces prêtres, tous choisis dans les milieux proches du pouvoir, posaient maintenant dans les confessionnaux des questions curieuses à propos des relations de travail et ces interrogatoires ressemblaient plus à un audit professionnel qu’à une confession des coeurs. La Secrétairerie du Vatican, retranchée derrière le secret des délibérations, refusait d’ouvrir le dialogue et ce lourd silence devenait éloquent à plus d’un titre.
Ce sont ces rumeurs qui ont alors provoqué l’émergence du « Syndicat chrétien des ouvriers de la Foi». Le succès a été immédiat et les adhésions nombreuses ont immédiatement afflué de toutes parts.
A la suite de ce mécontentement naissant, un certain affolement semble s’être alors emparé des hauts dignitaires du côté de la Secrétairerie du Vatican et de la Congrégation pour le clergé. Finalement, le Cardinal B., le plus proche collaborateur du Pape, a fait une déclaration disant qu’effectivement une restructuration était devenue nécessaire à cause de la détérioration des finances de l’Eglise. L’annonce de quelques 5000 suppressions de postes avait alors provoqué une surprise et une indignation générales parmi le clergé, malgré l’annonce d’un plan social dont les détails restaient encore dans le flou le plus complet. C’est la raison qui a fait, qu’à l’unanimité, le nouveau syndicat avait décrété une grève d’avertissement pour le dimanche 11 mars. Cette grève a été largement suivie. Dès le matin, de nombreux prêtres, diacres et bonnes soeurs ont occupé les parvis des églises, brandissant de larges calicots sur lesquels on pouvait lire «Non au démantèlement de l’Eglise», «François, ça suffit» et même l’association des compagnes de prêtres était présente avec son calicot «Oui au mariage des prêtres». Des piquets de grève empêchaient les quelques vieux prêtres soumis de venir célébrer la messe. Dans certaines églises, on avait vidé les réserves de vin de messe qu’on avait alors partagé avec les fidèles qui soutenaient le mouvement de protestation et qui ont enfin pu goûter à ce nectar jusque là uniquement réservé aux officiants.
A défaut d’église, les fidèles habituels, les prêtres, les moines et les bonnes soeurs ont investi les cafés aux abords des églises et ont célébré d’une nouvelle façon le jour du Seigneur. Ils ont alors pris conscience que la vigne et le vin, qui sont très souvent présents dans les paraboles de Jésus, n’avaient pas vraiment été jugés à leur vraie valeur et que l’alternative du bistrot en lieu et place de la messe n’était pas si inintéressante. Après avoir communié avec d’autres fidèles à travers de nombreuses tournées, certains ont même osé prétendre que la structure tentaculaire de l’Eglise n’était fondée que sur l’hypothèse bien ténue de la réalité de l’existence de Dieu. Quelques bonnes soeurs, peu habituées à communier sous les deux espèces, commençaient à sourire béatement et leurs visages prenaient de la couleur. On devinait qu’elle commençaient à regarder attentivement les prêtres d’un oeil nouveau. Bref, une sorte de mai 68 commençait à échauffer les esprit et le souvenir de Luther épousant une bonne soeur commençait à titiller les esprits.
Entre l’agitation croissante des prêtres et des fidèles et la situation catastrophique de la Banque du Vatican dont les dettes dépassaient largement les actifs pourris pour la plupart, l’urgence d’une décision forte s’était alors imposée aux dirigeants. Déjà on avait dû se résoudre à licencier tous les Gardes suisses et mettre en vente aux enchères leurs uniformes rutilants. La situation était donc devenue très grave. Une discrète approche effectuée auprès du président Barak Obama pour tenter de le persuader d’inclure la Banque du Vatican dans son plan d’aide aux entreprises en péril n’avait pas eu le succès espéré. Le prix offert par le roi du Brunei pour acquérir la basilique de Saint-Pierre n’auraient même pas suffit à combler les pertes financières du Vatican. Le dépôt de bilan et la faillite était donc inéluctable.
C’est à ce moment là que deux repreneurs potentiels se sont alors annoncés. Le premier, Bill Gates associé à Google, propose de réorganiser complètement l’Eglise sur des bases informatiques avec homélies, messages d’espoir et de consolation téléchargeables contre une modeste contribution financière. Les confessions se feraient par internet avec absolution personnalisée. Les produits dérivés, rosaires, crucifix, effigies de Saints, hosties consacrées, missels et autres objets, protégés par l’exclusivité papale, seraient distribués par une grande centrale en ligne dont les bénéfices pourraient permettre de continuer l’activité religieuse. Toutefois les questions qui demeurent encore sont : comment serait formé le nouveau Conseil d’administration, qui serait le nouveau PDG et quels bonus de départ seraient attribués aux anciens responsables de l’Institution. Des discussions sont actuellement en cours.
Le second candidat repreneur potentiel n’est autre que l’Eglise de Scientologie dont la fortune semblerait être en mesure de couvrir les pertes de la Banque du Vatican. Les dirigeants de la Secte laisseraient à l’Eglise les prérogatives de la propagation de la foi mais, en échange, les prêtres devraient s’engager à encourager les fidèles a suivre des séminaires payants de perfectionnement personnel auprès des instructeurs agréés de la secte américaine. Mais cette proposition se heurte à un obstacle de taille : la Scientologie exigerait que le siège central de la nouvelle organisation soit déplacé de Rome vers les Etats Unis.
A l’heure où j’écris ce texte, aucune décision n’a encore été prise.